
Les biais cognitifs : nos raisonnements ne sont pas toujours fiables
« Notre cerveau ne cherche pas la vérité, il cherche la cohérence. »
— Albert Moukheiber, docteur en neurosciences, auteur de Votre cerveau vous joue des tours (2020)
Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?
Les biais cognitifs sont des erreurs systématiques de pensée que notre cerveau commet lorsqu’il traite l’information. Ils sont automatiques, souvent inconscients, et influencent notre manière de percevoir le monde, de juger les autres, de nous souvenir, ou de prendre des décisions.
Ce concept a été développé dès les années 1970 par Daniel Kahneman et Amos Tversky, deux psychologues israéliens, fondateurs de la psychologie cognitive moderne (Judgment under Uncertainty: Heuristics and Biases, 1974).
« Ce n’est pas parce que nous sommes irrationnels, mais parce que notre cerveau doit aller vite, avec peu d’énergie, qu’il utilise des raccourcis mentaux. »
— Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie, Système 1 / Système 2 (2011)
Pourquoi avons-nous des biais cognitifs ?
Notre cerveau filtre en permanence une masse d’informations (visuelles, émotionnelles, sociales…). Pour survivre, il doit aller vite, et cela passe par des heuristiques : des raccourcis mentaux qui nous aident à simplifier la réalité. Mais ces raccourcis peuvent produire des distorsions, nous conduisant à des jugements faux, injustes, ou irrationnels.
Comme l’explique Albert Moukheiber, ces biais ne sont pas des bugs, mais des fonctionnalités évolutives : ils nous aident à fonctionner dans un monde complexe, mais peuvent devenir problématiques quand on n’en est pas conscient.
À ce jour, plus de 180 biais cognitifs ont été répertoriés par les chercheurs en psychologie et en sciences cognitives. Ils influencent notre perception, notre mémoire, notre raisonnement, nos décisions… souvent sans que nous en ayons conscience.
Exemples courants de biais cognitifs
1. Biais de confirmation
Tendance à ne rechercher et interpréter que les informations qui confirment nos croyances.
— Nickerson, R. S. (1998), Confirmation Bias: A Ubiquitous Phenomenon in Many Guises.
Exemple : Si je crois que « je suis nul », je retiendrai surtout les échecs… même si j’ai aussi des réussites.
2. Biais d’ancrage
Une première information influence notre jugement, même si elle est arbitraire.
— Tversky & Kahneman (1974), Judgment under Uncertainty.
Exemple : Si on vous dit qu’un objet valait 200€, vous le trouverez bon marché à 100€, même si sa vraie valeur est 50€.
3. Biais de disponibilité
Ce qui vient facilement à l’esprit nous semble plus fréquent ou plus vrai.
— Kahneman & Tversky (1973), Availability: A heuristic for judging frequency and probability.
Exemple : Après avoir vu plusieurs infos sur des accidents d’avion, vous aurez l’impression qu’ils sont fréquents (alors qu’ils sont extrêmement rares).
4. Effet Dunning-Kruger
Les personnes peu compétentes surestiment leur savoir, alors que les plus compétentes doutent davantage.
— Kruger & Dunning (1999), Unskilled and unaware of it.
Exemple : Quelqu’un qui débute en psychologie affirme « qu’on comprend vite les gens », alors qu’un professionnel se méfiera de ses certitudes.
5. Biais d’attribution
Nous excusons nos propres erreurs par des circonstances, mais jugeons les autres sur leur personnalité.
— Ross, L. (1977), The intuitive psychologist and his shortcomings.
Exemple : Si je suis en retard, c’est « parce que j’ai eu un imprévu ». Si un autre l’est, c’est « parce qu’il est désorganisé ».
6. Effet Mandela
Notre mémoire déforme ou reconstruit certains souvenirs collectifs… au point de nous faire croire qu’un événement (jamais arrivé) a réellement eu lieu.
— Loftus, E. (1997), Creating false memories.
Exemple : Beaucoup de gens sont convaincus que Pikachu a une queue noire (ce qui est faux), ou que la réplique de Dark Vador est « Luke, je suis ton père » (alors que c’est « No, I am your father »). Ces souvenirs partagés mais inexacts montrent que notre mémoire est influencée par le collectif, l’imaginaire ou la répétition.
Ce que ces biais révèlent en thérapie
Les biais cognitifs sont intimement liés à notre construction intérieure. En thérapie, on retrouve souvent :
- Le biais de confirmation dans les croyances limitantes sur soi (“je ne mérite pas”, “je suis trop ceci ou pas assez cela”).
- Le biais de négativité dans les troubles de l’estime de soi.
- Le biais de disponibilité dans l’anxiété (on surestime le danger en se basant sur des images ou souvenirs marquants).
Comme le dit Albert Moukheiber, reconnaître ses biais, ce n’est pas “être faible ou irrationnel”, c’est reprendre le pouvoir sur sa pensée.
Mon approche thérapeutique
Je travaille avec vous à débusquer les biais qui vous enferment, sans jugement ni moralisation. Ce n’est pas une “chasse à l’erreur”, mais une prise de conscience libératrice :
- Voir le filtre, c’est déjà en sortir.
- Apprendre à penser autrement, c’est se redonner du choix.
- Retrouver une pensée plus souple, c’est retrouver du souffle.
« On ne peut pas changer ce dont on n’a pas conscience. »
— Carl Gustav Jung
- Votre cerveau vous joue des tours, Albert Moukheiber (2020)
- Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée, Daniel Kahneman (2011)
- Les décisions absurdes, Christian Morel (2002)
- Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Joule & Beauvois (2002)
“Méta de choc” — épisodes sur la pensée critique et les biais cognitifs